L’enfer du non-être serait-il le summum si ce n’est le pire de l’asservissement ? L’auteur Jean Razafindambo nous le démontre tout au long de son quatrième roman. Quand la classe politique s’adonne aux trafics en tout genre, quand la corruption gangrène la plus haute sphère du système, le reste de la population devient complètement aphone et finit par cesser d’exister. L’auteur nous entraîne dans un monde où la cupidité est devenue une valeur, où la vie se réduit juste à la recherche de richesses matérielles. Bien qu’inspiré de faits réels, l’œuvre semble prendre l’allure d’une anticipation, presque une prédiction.
Encore une fois, ce thriller politique sonne comme un manifeste en faveur de ce pays qui n’existe plus que dans son cœur. Ce quatrième roman s’inscrit dans la lignée des trois précédents romans de l’auteur, L’Absurdistan, ici l’enfer 261 !, Nuances du mal et Tuer, en dernier recours, un cri du cœur mais aussi un cri pour réveiller les consciences. Il dénonce la léthargie d’un peuple qui sombre dans la résignation, une jeunesse désengagée aux cœurs aphasiques pour qui l’éducation n’a comme finalité que le confort matériel.
Depuis le premier roman, l’auteur dépeint un pays infesté par une pègre politique au pouvoir. Et dans ce quatrième volet, le récit poursuit son cours dans cet espace fictif de l’Absurdistan où la situation semble s’empirer. Se profile à l’horizon un Absurdistan où des truands, mafieux et voyous en cravate règnent sur le lucratif trafic de minerais, où se déploie une violence dans sa forme la plus abjecte. Le roman décrit l’image de la dévastation d’un pays en proie à la grande corruption que la mauvaise gouvernance n’a fait que généraliser.
Difficile d’ignorer tous ces menus détails qui révèlent le journaliste qui accompagne l’écrivain. Le blizzard qui s’abat sur Montréal ou encore la Révolution Lider Maximo, Fidel Castro et Ernesto Che Guevara sur l’île de Cuba ainsi que les moyens qui auraient permis au pays de survivre à l’embargo américain. Ce roman est foisonnant d’informations, distillées savamment à travers le cheminement de chaque personnage.
Et son intérêt pour ce pays cher à son cœur, il transparaît tout au long du roman. Les actualités de la Grande île de ces dernières années sont venues nourrir son roman. Les lingots d’or saisis en Afrique du Sud et aux Comores, l’affaire de corruption au Royaume-Uni qui a éclaboussé la Présidence de la République de Madagascar, même les rumeurs sur les évacuations sanitaires déguisées ont été reprises pour alimenter les intrigues.
L’Enfer du non-être lève le voile sur ces intérêts qui transcendent les frontières visibles de l’Etat. En filigrane de toutes ces multiples pérégrinations, c’est un jeu géopolitique où les frontières sont invisibles, qui se révèle au fur et à mesure de l’histoire. Le récit part du Canada pour atterrir au Brésil en faisant quelques incursions sur l’île de Cuba, dans les Carpates - entre la Roumanie et la Serbie, en Sicile ou encore au Liban. Si ce n’est pas pour les trafics d’or, c’est parfois pour le trafic d’êtres humains.
Son envie insatiable d’interroger la culture et la tradition malagasy ressurgit sans cesse dans ce quatrième roman.
Le conflit intergénérationnel, les problèmes dus au manque d’éducation et bien d’autres maux qui rongent la société malagasy actuelle viennent rappeler de manière parfois criante que malgré la distance, son attachement au pays reste fort et solidement ancré. L’écriture reste pour Jean Razafindambo une thérapie, en soi son espace de parole, pour conjurer son sentiment d’impuissance.
Bonne lecture !
Domoina Ratsara (Journaliste culturelle)
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